Monsieur le Maire,
Qu’est-ce qui a été à l’origine de votre projet de reconversion de l’ancienne cidrerie ?
Bien avant d’envisager la reconversion de ce site, nous avons mené un diagnostic sur la commune. Il s’agit de mon cinquième mandat d’élu sur la commune, aussi, nous n’avons pas été accompagné par un bureau d’études car nous avions une assez bonne connaissance de notre territoire. En revanche, nous avons sollicité le CAUE27 pour qu’il nous apporte un regard extérieur afin de prendre le recul nécessaire et nourrir nos réflexions.
Cet état des lieux était nécessaire pour savoir où en était la commune, identifier ses forces et ses faiblesses car, même si elle est bien placée géographiquement parlant, que les infrastructures étaient de qualité, elle était en perte de vitesse et nous devions rattraper le retard accumulé.
Face à ce constat de perte d’attractivité, nous nous sommes interrogés. Quelle population, quelles activités nous souhaitions attirer ? Quel était notre zone de chalandise actuelle et quelle était la zone visée ?
Ces interrogations nous ont permis de définir le périmètre sur lequel nous devions concentrer nos efforts.
En parallèle de ces réflexions, les intercommunalités devaient évoluer pour atteindre la barre réglementaire des 15 000 habitants.
Notre diagnostic, l’analyse des flux, des secteurs d’activités nous ont naturellement rapproché de la commune de Honfleur. Nous ne sommes qu’à 500 mètres du calvados. Pour nous, ce « mariage » a permis et permet toujours de « faire briller l’entrée de l’Eure ».
Nous avons construit notre politique d’aménagement du territoire autour de sept thématiques.
Le plus compliqué est de pouvoir avancer sur toutes ces thématiques en même temps. Il nous a fallu une dizaine d’année pour en arriver où nous en sommes aujourd’hui.
Sur le volet éducation, nous n’avions pas de problématique.
Pour la culture, nous avions le tissu associatif et les animations, mais pas d’équipement culturel.
Sur le volet habitat, nous avons cherché à savoir comment il avait évolué dans le temps.
Nous avons également mené un état des lieux des friches et de l’habitat très dégradé.
Nous avons priorisé et intégré, à l’avance, nos projets dans les documents d’urbanisme. Tout cela oblige à s’interroger sur comment on gère l’espace public. Entre la friche de la cidrerie, celle du manoir et l’Église, ce sont deux hectares que nous devions repenser. La mairie se trouvant au milieu de cet espace.
Avant de passer à la phase travaux pour requalifier cet espace, nous avons fait établir un diagnostic des réseaux ainsi qu’un diagnostic commerce, avec la CCI, afin de mieux connaitre notre tissu commercial. Cela nous a permis d’identifier des problématiques : réseaux eau et assainissement à réhabiliter, cases commerciales se transformant, petit à petit, en logements.
Sur la question du stationnement qui cristallise souvent les crispations, nos aménagements ont permis de passer de 450 places à 550 en assurant une rotation des véhicules (zones bleues). Le centre-ville est désormais accessible à pieds en moins de cinq minutes et nous avons pu créer des terrasses sur les places.
Une fois que les flux ont été créés, nous sommes passés à la création des équipements et nous avons cherché à inciter les investisseurs à s’installer dans le centre. Aussi, nous avons interdit la création de centres commerciaux sur notre commune. C’est un cercle vertueux et nous avons rapidement pu constater que des logements recommençaient à se transformer en commerces.
La commune s’investit aussi dans l’attractivité commerciale via la création d’une boutique test notamment. Nous sommes en réflexion sur la création d’une boutique éphémère et sur la création de locaux commerciaux communaux.
Pour la création de notre salle culturelle, nous avons préféré en créer une petite (150 places) en centre-ville et qu’elle soit utilisée régulièrement plutôt que d’en créer une grande en périphérie et qui aurait été surdimensionnée et sous exploitée.
La cidrerie a été une opportunité. Nous avons recherché son passé. Nous avons découvert qu’elle avait été la première cidrerie de l’Eure et la 1ère cidrerie industrielle de France. Se plonger dans le passé d’un bien, d’un territoire permet de comprendre son histoire, de remettre la population dans un contexte et, ainsi, de mieux faire accepter le changement. C’est une aide à l’appropriation par les habitants.
Les travaux de réaménagement des espaces publics et de création de la salle culturelle se sont achevés en 2020.
Joël Colson, Maire de Beuzeville.
Et concernant le Manoir ?
Le manoir sera, fin 2026, notre pôle administratif, mais également le poumon vert de notre commune. Il accueillera l’office de tourisme, un commerce, les services de retour à l’emploi, une salle de formation…
À l’arrière, un grand parc familial sera accessible avec des jeux couverts. Un tiers lieu occupera la chaumière historique. Une halte vélo sera créée puisque nous sommes au milieu d’un circuit qui, à terme, permettra de relier Honfleur, Pont-Audemer, Pont l’Évêque et Cormeilles.
Qu'en est-il de la mobilité sur votre territoire ? Y-a-t-il des solutions de transport en commun ou autres initiatives ?
Nous sommes en train d’aménager les rues de notre ville pour raccorder les quartiers au centre-ville afin de diminuer le recours à la voiture individuelle. Il faut ouvrir la Ville si on veut réduire la présence de la voiture et si on veut que la population s’approprie le territoire.
Ici, la mobilité est un problème comme dans beaucoup de zones rurales. Une réflexion sur le transport à la demande est en court à l’échelle de l’intercommunalité. Il faut savoir sortir des frontières administratives de la commune pour travailler les uns avec les autres en complémentarité.
Et concernant la démographie ?
Les jeunes partent, la Normandie vieillit. Il faut réussir à rendre les territoires attractifs pour conserver nos jeunes et pour qu’ils construisent leur vie ici.
Notre ville est dynamique avec plus de 50 associations réparties dans les maisons de quartier. Elles contribuent à vitaliser l’ensemble de la commune.
Nous avons 9% de logements sociaux sur la commune et avons créé un guichet unique pour centraliser les demandes. La liste d’attente est longue et il nous faudrait le double de logements pour répondre à toutes les sollicitations.
Nous voyons bien que les besoins évoluent. Maintenant, les maisons de ville sont devenues importantes, tout comme une chambre en rez-de-chaussée pour conserver les seniors sur la commune.
D'autres projets à venir ?
Dans les documents d’urbanisme, nous travaillons sur les dents creuses à horizon 10 ans. Le PLUI remue parfois les habitants car, puisqu’ils sont propriétaires, ils pensent pouvoir faire comme bon leur semble et ont du mal à comprendre, accepter les règles imposées.
Nous avons fait intégrer nos projets au SCOT de notre EPCI et nous essayons de faire de même avec le SRADDET sur les volets développement économique et logement.
Dans les prochains projets, nous avons un gros travail à mener sur le plateau scolaire qui regroupe collège, écoles et restaurant scolaire. Nous travaillons avec le Siège pour mettre en place une chaudière bois afin d’alimenter 4 sites et participer à la décarbonations de la commune. Nous allons rénover un bâtiment des années 60 également dans un souci d’amélioration des performances énergétiques. En lien avec le CAUE27, nous allons végétaliser nos cours d’école.
L’ensemble de ce projet devrait s’achever en 2027.
Dans un avenir plus lointain, nous voudrions créer un quartier bas carbone. Nous disposons déjà d’une partie de l’emprise foncière et une réserve de 9 hectares a été formalisée sur les documents d’urbanisme… toujours à 5 minutes à pied du centre-ville.
En l'espace d'une décennie, vous avez mené de nombreux projets. La capacité financière de la commune permettait-t-elle de les réaliser aisément ?
Loin de là. Lorsque je suis arrivé en tant qu’adjoint aux finances en 2001, la commune était en passe d’être mise sous tutelle du Préfet. Nous avons d’abord assaini les comptes. Tous les projets ont été gelé et nous avons fait le minimum durant trois exercices. Ensuite nous avons pu nous projeter et commencer à réinvestir. Fonction de la nature de nos projets, nous sollicitons des aides financières auprès de l’État, du Département, de la Région… pour nous aider à les réaliser.